Communiqué de presse - 31 janvier 2024
Le projet de loi relatif à la Souveraineté énergétique, rendu public début janvier, ne peut, en l’état, remplacer une loi de programmation énergie-climat. La suppression récente de son volet programmatique, au contenu lui-même problématique, ajoute à la confusion de la séquence actuelle. L’Association négaWatt s’inquiète du recul que représente ce texte en matière de lutte contre le changement climatique, au profit d’un retour au “tout nucléaire” aussi obsolète qu’illusoire.
Les échéances en matière de planification écologique se rapprochent : la finalisation de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) doit en effet concorder avec la remise du Plan national énergie-climat à la Commission européenne, juridiquement prévue en juin. Alors que les services de l’Etat sont mobilisés depuis des mois autour de ces exercices, que les réunions de concertations se sont multipliées et que des groupes de travail dédiés à la loi de programmation ont travaillé tout l’été, l’élaboration de ces documents de planification prend du retard, et le flou s’accentue autour de la traduction législative de ces efforts.
Les bouclages d’une trajectoire de transition écologique, déjà complexes par nature, sont encore compliqués par le manque de cohérence entre les objectifs de transition et les priorités du Gouvernement. Ainsi, les trajectoires retenues à ce stade pour l’élaboration de la SNBC et de la PPE dessinent des projections incompatibles en matière de production et de consommation. Le flottement autour de la loi de programmation, qui devait être adoptée au plus tard en juin 2023 pour fixer le cadre dans lequel devaient s’inscrire PPE et SNBC, n’en est que plus inquiétant. Plusieurs fois reportée, celle-ci serait maintenant remplacée par le projet de loi Souveraineté énergétique. Mais celui-ci, dans sa forme initialement présentée ou remaniée, ne saurait apporter le cadre attendu. Le transfert à Bercy des questions liées à la production d’énergie, opéré à la faveur d’un remaniement dont on attend toujours la fin, renforce la crainte que la planification ne se concentre sur les options portées par ce ministère, aux dépens d’une programmation énergétique globale, cohérente et ambitieuse.
Dans sa version initialement transmise au Conseil national de la transition écologique, avant d’être modifié suite au remaniement, le projet de loi comportait certains éléments programmatiques qui donnent une idée des orientations envisagées par le Gouvernement en la matière. Seul le nucléaire avait droit à une programmation précise, la prolongation du parc existant et la construction de nouveaux EPR étant projetés avec autant de volontarisme que de détail. Par contraste, aucune place n’était donnée aux énergies renouvelables, ramenées à un rôle de complément en supprimant leurs objectifs de développement actuels, au mépris des objectifs européens. L’objectif d’atteindre un parc bâti performant d’ici à 2050 était également supprimé, faute de s’en donner les moyens. Plus globalement, les efforts de sobriété et d’efficacité se limitaient aux seuls Certificats d’économie d’énergie (CEE). Après cette suppression, ne subsiste dans le projet de loi que ce qui est finalement sa raison d’être : sécuriser un fonctionnement du marché de l’électricité qui facilite le financement à tout prix de la prolongation du parc nucléaire existant et du développement d’un nouveau programme de réacteurs et d’usines.
Ainsi se précisent les contours d’un projet énergétique esquissé depuis le discours de Belfort, en rupture avec les orientations politiques affichées depuis 2012. Ce nouveau paradigme, dont le rattachement à Bercy est la conclusion institutionnelle, fait du nucléaire le socle majeur et intouchable de la production électrique française, et l’unique clé de l’équation de la transition énergétique. À l’encontre de tous les scénarios de neutralité climatique, les énergies renouvelables sont reléguées au rôle d’appoint et la maîtrise de la demande, un temps portée par une séquence ”sobriété” sans lendemain, n’est plus perçue comme un levier indispensable.
Cette foi en une transition fondée sur une abondance électrique garantie par le nucléaire est une illusion dangereuse. Le recul des efforts d’efficacité et de sobriété ne fera qu’encourager l’augmentation non maîtrisée de la demande électrique, venant accroître le risque de “mur électrique”. Le coup de frein aux dynamiques de terrain observées dans les territoires, singulièrement depuis le vote de la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables en 2023, ne viendra que renforcer un déficit de production décarbonée, qu’aucun nouveau réacteur ne viendra combler avant 2035 au plus tôt. Et tout cela d’autant plus que les ressources humaines et financières mobilisées par ce nouveau programme nucléaire, avec son lot de surcoûts et de retards prévisibles, fera défaut à ces autres priorités.
Au-delà du risque d’échec de la trajectoire électrique, c’est l’atteinte même d’une réelle souveraineté énergétique et des objectifs énergie-climat, au niveau national comme européen, qui semble compromise. Alors que l’urgence climatique est chaque jour plus pressante, la sobriété, l’efficacité et le développement des énergies renouvelables sont plus que jamais indispensables, en France comme en Europe.
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