Communiqué de presse - 7 décembre 2023
L’électrification des usages, devenue la priorité de la stratégie de décarbonation du Gouvernement, conduit la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) à projeter une forte hausse de la demande électrique dans la décennie à venir. L’Association négaWatt soutient, comme l’ensemble des acteurs de l’énergie, l’électrification comme un des leviers de lutte contre le dérèglement climatique. Mais elle souligne les risques d’une électrification trop poussée pour être maîtrisée, et propose pour y répondre des solutions fondées sur la maîtrise des consommations.
Le projet de PPE actuellement en consultation vient confirmer la stratégie gouvernementale visant à électrifier massivement nos usages énergétiques. Dans ce document, la production d’électricité en France augmente de 10 % d’ici 2030 (soit 570 TWh) et de 22 % d’ici 2035 (soit 640 TWh), une évolution cohérente avec le dernier bilan prévisionnel de RTE, le gestionnaire du réseau électrique [1]. Cette électrification rapide concerne la quasi-totalité des secteurs : industrie, transports, bâtiment.
Un équilibre incertain aussi bien en énergie…
Des interrogations existent quant à la capacité de développement d’une production électrique décarbonée suffisante à l’horizon 2030-2035 pour répondre aux nouveaux usages. Quoi que l’on pense de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, aucun ne pourra être opérationnel avant 2035 pour répondre à la hausse de la demande électrique. Les efforts de l’industrie pour démarrer l’EPR de Flamanville et redresser la performance du parc existant ne permettront au mieux que de ramener sa production au niveau historique. La consommation supplémentaire pourrait être couverte par les énergies renouvelables dont le délai de construction est beaucoup plus court que celui du nucléaire. Deux bémols à ce constat : d’abord, les objectifs de développement du photovoltaïque proposés par le projet de PPE sont relativement ambitieux, mais ils ne le sont pas du tout pour l’éolien terrestre. Par ailleurs, de forts doutes subsistent sur les moyens mis en place permettant leur réalisation : dans la précédente PPE, aucun de ces objectifs n’a été atteint, et la France n’a toujours pas atteint, trois ans après, ceux fixés au niveau européen pour 2020.
… qu’en puissance
L’équilibre du système électrique doit être assuré aussi bien en énergie, avec un volume annuel de production et d’imports au moins équivalent à la consommation, qu’en puissance, c’est à dire avec un équilibre assuré à chaque instant entre l’électricité produite et importée et l’électricité consommée ou exportée. Les nouveaux usages considérés d’ici 2030, notamment le déploiement des pompes à chaleur dans le bâtiment, conduisent à une augmentation de la puissance maximale appelée, la “pointe électrique”. RTE montre dans son dernier bilan prévisionnel que cette pointe pourrait augmenter sensiblement, conduisant, dans son scénario de référence, à un écart de 5 à 10 GW entre production et consommation. Des leviers sont identifiés pour combler cet écart, mais certains sont assez incertains [2].
Afin de modérer ce rythme d’électrification - intenable en l’état actuel des politiques publiques - sans renoncer aux objectifs de décarbonation et de réindustrialisation, négaWatt appelle à intégrer au plus vite des mesures de sobriété et d’efficacité énergétique. En maîtrisant et en réduisant les consommations d’électricité, on réduit la pression sur la production et on évite ainsi le “mur électrique” qui se dresse à l’horizon 2030-2035. En l’absence d’une action forte sur les leviers sobriété et efficacité, deux conséquences se dessinent pour pallier les déséquilibres évoqués précédemment : l’importation d’électricité potentiellement carbonée (si elle est produite à partir d’énergies fossiles) en provenance des pays voisins (s’ils le peuvent, car eux aussi envisagent une forte électrification) ou une forme de sobriété subie avec par exemple des délestages (organisation de coupures d’électricité localisées et temporaires).
Dans le bâtiment, l’installation de pompes à chaleur (PAC) comme mode de chauffage décarboné est un exemple concret des risques et des leviers identifiés précédemment. Si leur rôle est essentiel dans la décarbonation du bâtiment, leur développement doit être maîtrisé et organisé. La stratégie actuelle du gouvernement consistant à déployer massivement les PAC sans les associer nécessairement à un bon niveau d’isolation risque d’engendrer une pointe électrique supplémentaire de 6 GW à l’horizon 2030 [3]. Elle pourrait même aller jusqu’à une quinzaine de gigawatts en cas d’accumulation de conditions défavorables [4]. Pour réduire cette pointe, il est indispensable d’installer des PAC dans des logements performants ou simultanément à une rénovation complète et performante [5].
La démarche négaWatt – sobriété, efficacité, déploiement des renouvelables - permet de décarboner nos usages tout en réduisant les besoins de consommation électrique et donc les tensions sur le système électrique. L’Association négaWatt rappelle la nécessité d’intégrer cette approche globale dans les préconisations des travaux en cours (PPE, SNBC, Loi de production énergie, etc.).
[1] Bilan prévisionnel, RTE : https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/les-bilans-previsionnels
[2] RTE suppose par exemple qu’en 2030 70% des recharges de véhicules électriques soient pilotées.
[3] RTE, Bilan prévisionnel 2023, Principaux résultats, p84.
[4] Toujours selon RTE.
[5] Les risques liés à l’installation massive de PAC sans action forte sur l’isolation des logements sont expliqués dans cette note coproduite par l’Association négaWatt et le CLER - Réseau pour la transition énergétique : https://negawatt.org/Pompes-a-chaleur-et-renovation-performante-une-combinaison-gagnante
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