Suite à la publication de cette tribune sur le site de Médiapart, l’Association négaWatt a publié une première analyse comparative entre l’étude de l’ADEME et le scénario négaWatt ; vous pouvez retrouver cette analyse sur cette page.
La publication de l’étude de l’ADEME « Vers un mix électrique 100 % renouvelable », dans des conditions rocambolesques, marque une étape importante de la réflexion en France autour de la transition énergétique. Elaborée dans un esprit d’ouverture et de transparence, elle montre la faisabilité technique et économique d’un approvisionnement électrique fondé uniquement sur des sources renouvelables, sans s’avérer plus onéreux qu’un mix électrique reposant majoritairement sur le nucléaire.
Début 2013, durant les six mois du Débat National sur la Transition Énergétique (DNTE), la richesse tout autant que la rudesse des échanges avaient déjà permis de faire bouger les lignes et les esprits. L’ADEME y avait pris sa part en publiant sa « Vision 2030-2050 », une contribution essentielle au débat d’idées et à l’exploration des possibles.
Dans la foulée de ce premier exercice qui appelait des compléments d’enquête, la faisabilité et le coût d’un mix électrique 100 % renouvelable se sont naturellement imposés comme sujet majeur d’analyse, à côté de thèmes plus spécifiques comme le « Power-to-Gas » ou les possibilités ouvertes par les éoliennes de nouvelle génération dites « à vents faibles » (sur lesquelles l’ADEME dispose aussi d’un rapport, dont il faut également espérer une prochaine publication !)
Autre excellente idée qui témoigne de l’esprit d’ouverture de l’ADEME, celle de constituer, dès le lancement de l’étude, un « comité d’échanges » rassemblant un large panel d’acteurs de l’énergie : les grands et plus petits énergéticiens, mais aussi l’État, les collectivités locales, les ONG et les experts, parmi lesquels l’Association négaWatt.
Cette instance informelle a permis à tous les participants, d’EDF à Greenpeace, de prendre connaissance de la méthodologie employée dès le mois de juin 2014, et d’être invités à la critiquer. Les premiers résultats ont été divulgués, sous réserve de confidentialité, lors d’une deuxième réunion en novembre 2014.
Au-delà des compétences techniques et scientifiques incontestables des prestataires – dont un laboratoire de l’École des Mines de Paris et une PME spécialisée dans la modélisation des réseaux électriques, créée par d’anciens chercheurs du département R&D d’EDF – cette pratique de « revue par les pairs » est le signe tant d’une rigueur scientifique que d’une volonté de partage de la connaissance renforçant la qualité des résultats. Un modèle de qualité et de transparence, que l’on aurait aimé voir appliquer de tout temps par tous les acteurs de l’énergie…
Premier point, fondamental : dans tous les cas, y compris dans celui où une part de nucléaire est maintenue, la priorité doit être à une politique ambitieuse de sobriété et d’efficacité énergétique. Elle seule permet de réduire la facture pour les ménages et les entreprises si, comme l’étude l’indique à juste titre, le coût du kWh augmente dans toutes les configurations. Elle seule permet d’éviter un suréquipement en puissance de pointe impliquant un renforcement du réseau et la construction d’unités de production destinées à fonctionner seulement quelques centaines d’heures par an.
Deuxième enseignement : la France dispose d’un considérable potentiel de production d’électricité renouvelable qui va bien au-delà de ses propres besoins, avec la possibilité d’une répartition entre filières adaptée selon les régions et complémentaire d’une région à l’autre.
Troisième élément : le passage à une électricité 100% renouvelable est techniquement possible du point de vue du réseau électrique. Celui-ci doit bien sûr être adapté, mais le coût total de cette mutation n’est pas, selon cette étude, plus élevé pour le consommateur que le maintien du nucléaire à un niveau significatif dans le mix français.
L’analyse comparative montre également que l’on est loin d’épuiser toutes les marges de manœuvre permettant d’améliorer encore les résultats du triptyque « sobriété-efficacité-renouvelable ». Il ne s’agit donc pas, comme cela a été dit, de tester des « situations extrémistes » (ce que le scénario négaWatt ne fait pas non plus !) mais bien de développer des projections fondées et réalistes.
Les hypothèses d’avancées technologiques et de baisse des coûts apparaissent assez mesurées tant du côté de la consommation (appareils électriques) que de la production renouvelable (filières et intégration au réseau). Par contre, le coût du nucléaire, basé sur les estimations de la Cour des Comptes, est très vraisemblablement sous-estimé si l’on se réfère par exemple au prix de vente de l’électricité exigé par EDF pour l’EPR à Hinkley Point (110 €/MWh).
Si l’étude de l’ADEME analyse des mix électriques différenciés en 2050, elle ne constitue pas pour autant un scénario énergétique comparable à celui qui est proposé par négaWatt. Il faudrait pour cela qu’elle décrive une trajectoire quantifiée année par année et qu’elle intègre une analyse systémique et cohérente sur tous les usages énergétiques (chaleur, mobilité et électricité spécifique). Cet exercice, entamé avec la Vision 2030-2050, doit donc être poursuivi par d’autres analyses sectorielles plus poussées, auxquelles l’Association négaWatt est bien entendu prête à contribuer.
La France est à un moment-clé de sa transition énergétique.
Le Parlement s’apprête à débattre à nouveau du « projet de loi de transition énergétique pour une croissance verte », les services du ministère de l’Écologie organisent actuellement des dizaines de groupes de travail sur la « stratégie nationale bas-carbone », la « programmation pluriannuelle de l’énergie » et « l’évolution des systèmes d’aides à l’électricité renouvelable »… et la Conférence de Paris sur le climat est dans moins de 250 jours.
Alors que l’énergie occupe le devant de la scène, la publication de ce rapport de l’ADEME, déjà repoussée de décembre 2014 à avril 2015 pour les compléments d’études qui étaient nécessaires, arrive à point nommé pour convaincre nos dirigeants qu’une France produisant 100 % de son électricité par des sources renouvelables n’est pas un fantasme, mais bien un magnifique projet, qui profiterait à nos entreprises, à tous les citoyens et tous les territoires.
À charge désormais aux tenants des énergies du siècle passé d’apporter la preuve, en toute rigueur et concertation, qu’il leur paraît préférable de ne rien changer.
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